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Blog de l'ICM

Réclamation et flambée des prix

Réclamation et flambée des prix

La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont engendré une flambée des prix, laquelle a pu générer des tensions entre l’administration et ses prestataires.

Côté entreprise, il a fallu (et il faut encore) arbitrer entre le montant des surcoûts subis, les sommes déjà décaissées, l’état de la trésorerie de l’entreprise, les échéances à respecter sous peine de pénalités, et la nécessité de conserver de bonnes relations avec le maître d’ouvrage.

Côté administration, il a fallu (et il faut) composer avec les règles de comptabilité publique, celles de la commande publique, la capacité bugétaire, l’interdiction des libéralités et le souhait de conserver de bonnes relations avec ses partenaires.

La littérature s’est rapidement étoffée ces derniers temps sur les possibilités offertes aux parties :

§    La circulaire n° 6338/SG relative à l’exécution des contrats de la commande publique dans le contexte actuel de hausse des prix de certaines matières premières ;

§    La fiche technique de la DAJ en date du 21 septembre 2022 ;

§    L’avis de l’assemblée générale du Conseil d’État du 15 sept. 2022, n° 405540.

Cette thématique d’actualité sera l’occasion de rappeler les fondamentaux de la réclamation en Droit des marchés publics, que l’on trouve en particulier dans les Cahiers des Clauses Administratives Générales applicables aux marchés publics.

Qui ?

Le mémoire en réclamation est établi et transmis par le titulaire du marché ou, en cas de groupement d’entreprises, par l’entreprise désignée comme mandataire dans l’acte d’engagement, sauf exception. Sont seules recevables les réclamations formulées ou transmises par le titulaire ou le mandataire d’un GME.

En pratique, le mandataire recueillera auprès de ses cotraitants l’ensemble des informations et documents nécessaires à l’élaboration de la réclamation.

Quoi ?

Le titulaire du marché doit démontrer à l’administration le bien-fondé du surcoût, tant dans son principe que dans son quantum. La réclamation doit ainsi être motivée (en droit et en fait) et les surcoûts chiffrés, étant précisé que le tout devra être justifié sur pièce. Les justificatifs sont soit directement intégrés dans la réclamation, soit annexés à celle-ci.

Que faut-il transmettre à l’administration concernant la hausse des prix ? Tous les éléments démontrant la réalité de la hausse des prix de référence du marché, qu’il s’agisse des prix figurant dans le Bordereau de prix unitaire ou des prix indiqués dans la DPGF (décomposition du prix global et forfaitaire).

Votre justification peut s’appuyer par exemple sur un devis établi par votre fournisseur au moment de l’élaboration de votre offre, une attestation ou une lettre d’un fournisseur du chantier concerné qui précise les pourcentages d’augmentation, des factures réellement payées à votre ou vos fournisseurs, etc.

C’est au moment où l’on est face à une réclamation que l’on se souvient du proverbe « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Pour rester en position de force, il faut constamment veiller à conserver la trace des échanges et à consigner par écrit un accord qui a été conclu oralement.

Quand ?

Le processus peut être assez long, depuis les premiers échanges avec l’administration jusqu’au paiement du surcoût. C’est pourquoi l’entreprise a intérêt à ne pas attendre que la trésorerie ait atteint un point critique pour entamer la discussion avec l’administration.

La demande de paiement complémentaire doit surtout être réalisée en temps utile et, à cet égard, il est inopportun d’attendre la fin des travaux.

A qui ?

L’entreprise doit impérativement respecter les règles fixées par le contrat. Sauf dérogation prévue dans le CCAP, l’entreprise devra respecter les stipulations relatives au « Règlement des différends entre les parties » fixées dans le CCAG applicable aux marchés publics – si celui-ci est applicable.

Par exemple, l’article 55 du nouveau CCAG Travaux précise que la réclamation doit être notifiée au maître d’ouvrage et adressée en copie au maître d’oeuvre :

« 55.1. Mémoire en réclamation :

55.1.1. Tout différend entre le titulaire et le maître d'œuvre ou entre le titulaire et le maître d'ouvrage doit faire l'objet, de la part du titulaire, d'un mémoire en réclamation exposant les motifs du différend et indiquant, le cas échéant, pour chaque chef de contestation, le montant des sommes réclamées et leur justification. Ce mémoire est notifié au maître d'ouvrage et adressé en copie au maître d'œuvre ».

Comment ?

En amont de la réclamation contractuelle et formelle, il faut privilégier une gradation des différents formats selon le contexte. Il est préférable d’alerter par courriel ou en réunion de la survenue de problématiques liées à la hausse des prix.

Pour la notification de la réclamation, il faut utiliser les modalités d’envoi prévues au contrat. Si la lettre avec accusé de réception est l’un des formats préférés des juristes, c’est qu’elle permet d’acter une date de réception certaine par l’administration, seule de nature à faire courir d’éventuels délais contractuels de réponse.

En résumé :

 

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Jessica Serrano-Bentchich

Avocate au Barreau de Paris, spécialiste en Droit public

Me Jessica Serrano-Bentchich,  Avocate au Barreau de Paris, est titulaire d’un certificat de spécialisation en Droit public, en particulier en Droit de la commande publique.

Elle accompagne les entreprises privées et les maîtres d’ouvrage lors des opérations de travaux publics, tant au stade de la passation des contrats que de leur exécution.Consciente des contraintes et des enjeux des différents intervenants à l’acte de construire, elle leur apporte des solutions juridiques opérationnelles.                                  

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Photo par Mohamed Hassan formulaire PxHere