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Blog de l'ICM

Les informations commerciales sensibles Une prise de conscience des entreprises face au risque d’entente

Les informations commerciales sensibles  Une prise de conscience des entreprises face au risque d’entente

Au début de ma carrière, les personnes dédiées au commerce s’évertuaient à connaître la moindre information sur un concurrent ou un client afin d’obtenir un avantage concurrentiel. En négociation, il est effectivement important de savoir ce que veut l’autre et, il fut un temps où on voulait gagner « à tout prix ». Les temps changent…  

Récemment, un Directeur m’a demandé conseil sur la conduite à tenir si, lors d’un salon professionnel, un concurrent venait à nous fournir une information commercialement sensible. Je lui ai indiqué que les voyants restaient au vert si ces informations étaient déjà publiques et que les signaux d’alerte devaient se déclencher dès lors que ces informations constituaient des informations stratégiques pouvant influencer notre stratégie commerciale. 

Les échanges d’informations sur des données sensibles et stratégiques entre entreprises  peuvent fausser le libre jeu de la concurrence et être qualifiés d’entente anticoncurrentielle. Ces échanges peuvent induire des risques réputationnels ainsi que de lourdes sanctions pour l’entreprise, voire pour lui-même. Je lui ai ainsi rappelé la bonne conduite à tenir, à savoir, de ne pas solliciter d’informations commercialement sensibles et de les refuser de manière explicite afin de se prémunir de tout risque de compromission à cause d’un interlocuteur qui ne serait pas fiable. Le scénario extrême allant jusqu’à devoir quitter prématurément une réunion ou abréger une discussion.

L'entente peut se définir comme un accord ou une action concertée qui a pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence (1) sur un marché de produits ou de services déterminés. Les ententes anti-concurrentielles sont notamment prohibées par la règlementation française et européenne.

Cette entente peut prendre diverses formes : 

  • Elle peut être écrite ou simplement orale (dans ce cas elle est bien sûr plus complexe à prouver),
  • Elle peut être expresse (les parties à l’entente ont manifesté très clairement leur volonté de s’entendre) ou tacite,
  • Elle peut être horizontale (entre acteurs économiques situés au même niveau du circuit économique, par exemple le cas d’une entente scellée entre concurrents sur un même marché) ou verticale (entre opérateurs situés à des niveaux différents niveaux du circuit économique, comme par exemple une entente scellée entre un producteur et un distributeur). 

Il existe une grande diversité d’ententes anticoncurrentielles, et il n’est donc pas possible d’en dresser une liste exhaustive. Le Code de Commerce Français en cite les exemples les plus caractéristiques : 

  • Les accords ou pratiques concertées qui limitent l’accès au marché ou le libre exercice de la concurrence par d’autres entreprises,
  • Ceux qui tendent à faire obstacle à la fixation des prix par le libre jeu du marché en favorisant artificiellement leur hausse ou leur baisse,
  • Ceux qui tendent à limiter ou contrôler la production, les débouchés, les investissements ou le progrès technique,
  • Ceux qui répartissent les marchés ou les sources d’approvisionnement, 

Toute infraction expose à des risques significatifs tels que des amendes dont le montant peut atteindre 10% du chiffre d’affaires du Groupe en cas d’entente, des sanctions disciplinaires (ex : mises à pied, licenciement) et sanctions pénales (amende voire d’emprisonnement) pour les personnes physiques, la résiliation de certains contrats…

Au cours de notre carrière, nous avons potentiellement vécu des situations à risques similaires :

  • Au cours d’un appel d’offres, il est tentant d’avoir des informations sur le positionnement d’un concurrent ou de connaitre le prix cible ou la stratégie du client ;
  • Un ami qui travaille chez un concurrent ou un client avec lequel il vous arrive d’échanger sur vos préoccupations professionnelles ;
  • Un sous-traitant qui nous indique avoir répondu pour des concurrents au cours d’un appel d’offres à un certain prix ou selon un certain délai ;
  • La participation à des évènements professionnels ou à un groupe de travail constitué au sein d’une association professionnelle cliente…

Ces situations à risques demandent la mise en place de bonnes pratiques souvent édictées par des politiques d’entreprise. Par exemple, lorsqu’on participe à une association professionnelle, la bonne pratique consiste à obtenir avant chaque réunion l’ordre du jour détaillé ainsi que la liste des participants potentiels pour s’assurer qu’il n’y ait pas de sujets problématiques en termes de concurrence. 

De manière générale dans la société, toute personne susceptible de détenir des informations sensibles se doit d’être vigilante. Les Contract Managers sont concernés au premier chef. Leur rôle peut aller jusqu’à représenter un premier point de contact sur les questions de conformité, en participant à l’élaboration des politiques d’entreprise en matière de conformité ou en réalisant des actions de communication voire de formation. 

En tout état de cause, le Contract Manager se doit de connaitre les risques liés à la divulgation des données sensibles et leurs conséquences. Il lui appartient de maîtriser les bonnes pratiques, de les mettre en œuvre, et de les rappeler autant de fois que nécessaire.

(1)     : définition du Ministère de l’Economie des Finances et de la Souveraineté industrielle numérique

Rolland TERRIN est Contract Manager et référent conformité au sein du Groupe Onet pour le compte de la Direction Opérationnelle Onet Technologies. 

Diplômé de l’école d’ingénieurs Centrale Marseille et de l’IAE d’Aix-en-Provence, il a plus de 15 années d’expérience en tant que Contract Manager sur des projets industriels divers (nucléaire, ferroviaire, aéronautique…).

Photo par Mohamed Hassan formulaire PxHere