La crise afférente à la pandémie
de Covid-19 conjuguée, depuis le 24 février 2022 au conflit en Ukraine,
entraînent une flambée du coût de l’énergie, des matières premières, des
composants et une inflation record. Il existe plusieurs parades à ce risque
d’instabilité des coûts des matières premières et de l’énergie.
En premier lieu, il convient d’indiquer
que l’offre proposée a une durée de validité courte, par exemple une semaine,
voire quelques jours. Néanmoins, le processus de décision d’achat des clients s’avère
souvent long et incompatible avec des délais de validité aussi courts. Une
durée de validité courte peut même entraîner une exclusion de notre offre
puisqu’elle ne respecte pas les exigences d’un appel d’offres.
Une autre possibilité serait de
fournir un prix provisoire voire à titre indicatif. Mais dans ce cas notre
offre ne serait pas ferme et donc probablement en écart avec les exigences du
client.
Dès lors la solution la plus
adaptée réside dans l’intégration d’une clause de révision des prix.
En vertu de l’article R2112-13 du code
de la Commande Publique, un prix révisable est un prix qui peut être modifié,
pour tenir compte des variations économiques constatées pendant l’exécution du
marché. Autrement dit la révision des prix doit permettre de garantir
l’équilibre économique initial du contrat voulu par les parties.
Que doit contenir cette clause
de révision des prix et quelles sont les bonnes pratiques ?
Exemple de formule type de révision de prix
P = P0
(a +
(b
* S1/S10 + c * S2/S20 + d * S3/S30))
P : Prix révisé
P0 :
Prix initial
S1 : Indice représentatif du coût mensuel du
travail
S2 : indice représentatif des produits et
services divers
S3 : indices matières (acier, inox, plomb,
aluminium, …)
S10,
S20, S30 : Valeurs de référence des indices
Dans cette formule type nous avons:
- une partie fixe qui reste invariante (a).
- Une partie variable avec b, c et d qui sont les coefficients de pondération de la révision.
A noter que La révision de prix est totale si a=0 ;
- Une formule de révision de prix doit avoir une référence initiale (souvent dé nommée « 0 »).
Cette date d’établissement du prix initial permet d’établir la valeur initiale des indices, index ou références à prendre en compte pour la révision. Logiquement cette date devrait correspondre à la date de soumission de l’offre.
- Une formule de révision des prix doit refléter les prestations concernées par la révision.
Comme illustré dans notre formule type de révision des prix ci-avant, la révision repose sur le jeu d’une formule intégrant plusieurs variables, qui doivent représenter les coûts des éléments constitutifs principaux de la prestation objet du marché. Une attention particulière doit être portée au choix des indices de référence, qui doivent être représentatifs du contenu des prestations du marché.
La formule paramétrique se compose de plusieurs indices correspondants aux principaux éléments du coût de la prestation (matières premières, coût du travail, matériel, énergie, transport, frais divers). Une pondération est appliquée à chaque indice traduisant leur poids dans l’exécution de la prestation.
Dans un esprit de simplification des calculs, il est suggéré d’utiliser 3 à 4 indices maximum dans une même formule. Il ne s’agit pas de représenter dans la formule de révision la totalité des éléments de coût de la prestation, mais uniquement les plus significatifs. De même, l’intégration de facteurs avec un poids inférieur à 5% est déconseillé. Il est aussi recommandé de pondérer les indices ou index, par des valeurs entières, sans décimales (par exemple : 15,7% = 16 %).
Certains indices sont publiés par l’Institut National des Statistiques et des Etudes Economiques (INSEE), ainsi que par le ministère chargé de l’écologie et sont accessibles à tous. D’autres sont publiés par des organismes professionnels et nécessitent un abonnement. Il n’existe pas de règle absolue sur le choix des indices hormis de représenter au mieux les prestations. Toutefois, pour les marchés publics, il conviendrait de préférer les indices et index publiés par les administrations publiques (l’INSEE et le ministère chargé de l’écologie).
Dans certains cas, il est nécessaire de prévoir plusieurs formules de variations de prix dans un même marché. Lorsque le marché recouvre des prestations de nature différente (études, approvisionnements, travaux, etc.), les formules de révision de prix applicables à chaque prestation sont différentes.
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La révision des prix doit posséder une fréquence de mise à jour adaptée aux prestations du
marché
La périodicité retenue sera différente selon chaque activité économique. Le rythme des révisions doit tenir compte de la volatilité des prix des prestations du marché. Dans un contexte où les prix évoluent très rapidement et où les acteurs économiques ne disposent d’aucune visibilité, le marché doit prévoir un rythme de révision de prix rapide pour conserver l’équilibre financier du marché, sans porter préjudice à l’une ou l’autre des parties.
Des révisions des prix trop espacées conduiraient à ne pas tenir compte des fluctuations réelles des prix entre deux révisions.
Dans la pratique, la révision intervient souvent de manière annuelle (à date anniversaire) ou semestrielle. Parfois la révision s’effectue en même temps que la facturation en utilisant les derniers indices connus. La fréquence de mise à jour doit être construite pour refléter au mieux l’instant de réalisation des prestations concernées et elle doit être en accord avec la chaine de sous-traitance. En période de fluctuation forte, il est conseillé de minimiser l’espacement des mises à jour de prix.
Il est à noter qu’un décalage peut exister entre la date d’actualisation voulue et la date de publication de l’indice du mois concerné. Cet écart sera à anticiper.
- La partie fixe
Le terme fixe permet d’amortir une partie des fluctuations des prix du marché, puisque le calcul de la révision ne s’effectue pas sur la totalité des composantes du prix. Il a un effet à la hausse, comme à la baisse.
Selon le « Guide du prix dans les Marchés publics édition 2013 », économiquement, le terme fixe se justifie principalement par 3 éléments :
- il permet de prendre en compte les frais fixes peu influencés par les variations économiques
- il représente une partie des gains de productivité qui ne pourraient être rétrocédés à l’acheteur public autrement
- il traduit l’avantage qu’a une entreprise à bénéficier d’un marché, par rapport à une autre entreprise qui doit remettre en cause ses conditions à chaque consultation.
Il est ainsi commun de trouver dans les contrats une partie fixe dans toute révision des prix oscillant entre 10% et 20%.
Dans
certains contrats, nous trouvons un coefficient de productivité appliqué à une
révision des prix. Ce coefficient est sensé refléter le gain de productivité
dans le temps (en général d’une année sur l’autre). Si une partie fixe est
présente dans une formule de révision des prix, ce coefficient devrait être
retiré pour cause de doublon.
- La clause butoir
La clause butoir permet de plafonner à la hausse comme à la baisse la révision des prix. Elle est souvent exprimée en pourcentage (par exemple, un pourcentage au-delà duquel le prix sera bloqué pendant une certaine durée).
Comme rappelé dans le « Guide du prix dans les Marchés publics édition 2013 », une clause butoir ne doit avoir qu’un effet limité : limité en importance, car l’écart entre l’évolution « contractuelle » et la limitation basée sur le butoir ne doit être que de quelques %. Limité aussi dans le temps, c'est-à-dire, ne produire ses effets que sur une durée de quelques mois qui devra être prévue contractuellement. Par exemple, le jeu de cette formule peut être calculé à chaque révision annuelle du contrat. Au-delà de ces deux limites, c’est l’exécution même du contrat qui peut être compromise.
Enfin, une clause butoir ne devrait pas être prévue, lorsque la formule de révision est déjà constituée d’indices représentatifs de l’évolution du prix ou du coût de la prestation.
La situation actuelle de forte
inflation et pénurie de matière première nous pousse à opérer une surveillance
sur les formules de prix. Dans le cadre d’une revue de portefeuille des
contrats j’ai ainsi pu constater que des approvisionnements étaient révisables sans
indice matière, que des contrats de plusieurs années demeuraient fermes, que
les mises à jour s’opéraient uniquement en réunion d’enclenchement…. Afin
d’éviter des incohérences, une formule de révision des prix doit être
construite entre les Parties en vue de conserver l’équilibre économique du
Marché. Chaque paramètre ainsi que sa fréquence doivent être conçus en fonction
des prestations réalisées. Cette formule est valable pour l’ensemble des
Parties puisque le prix peut être revu à la hausse comme à la baisse.
Rolland Terrin est Contract Manager au
sein d’Onet Technologies. Diplômé de l’école d’ingénieurs Centrale Marseille et
de l’IAE d’Aix-en-Provence, il a plus de 15 années d’expérience en tant que
Contract Manager sur des projets industriels divers (nucléaire, ferroviaire,
aéronautique…).