Philippe VARIN, Président emblématique du Groupe PSA PEUGEOT CITROËN dans les années 2010, avait pour habitude d’impulser à ses équipes dirigeantes :
« Mesdames, Messieurs, si vous ne passez pas au moins 20 minutes chaque jour avec vous-même, vous faites une faute professionnelle !»
Mais que voulait-il dire par là ?
Tout simplement qu’il est
important de prendre du temps pour travailler sur la meilleure version de
soi-même.
Dans son chapitre dédié au Leadership, le Contract Management Body of Knowledge Book rappelle l’importance de l’intelligence émotionnelle dans le métier de contract manager.
En effet, la fonction de
contract manager, comme celle de chef de projet d’ailleurs, demande
d’excellentes compétences émotionnelles pour faire face à différents évènements
challengeants, que cela soit en interne ou en externe.
Je pense notamment à des
contextes conflictuels, aux rounds de négociation ou bien encore à la pression
liée aux enjeux du projet. Mais cela peut être aussi à toute autre occasion de
notre quotidien professionnel et personnel.
Une des compétences émotionnelles de base est la CONSCIENCE DE SOI et plus particulièrement le fait de savoir RECONNAITRE SES EMOTIONS ET LEURS EFFETS. C’est un véritable rendez-vous avec soi-même pour apprendre à mieux se connaître dans les situations rencontrées.
Selon David GOLEMAN, diplômé d’Harvard et Docteur en psychologie, les personnes qui ont développé cette compétence :
- Savent mieux nominaliser les émotions qui les traversent et pourquoi
- Comprennent les liens qui existent entre leurs sentiments et ce qu’ils pensent, font et disent
- Comprennent la façon dont leurs sentiments affectifs affectent leurs pensées
- Se laissent guider par une claire conscience de leurs valeurs et de leurs buts
Rappelons ici que le problème n’est jamais la réalité mais bien la perception que l’on en fait. A situation égale, une personne va éclater de rire alors qu’une autre va se sentir humiliée. C’est le message même du philosophe grecque EPICTETE : « ce ne sont pas les événements de leur vie qui troublent les humains, mais les idées qu'ils s'en font. »
La bonne nouvelle dans tout cela
c’est que, même si on ne peut pas changer les circonstances, on peut
toujours travailler sur ses pensées, ses émotions ou bien encore son
comportement.
Oui mais voilà, on ne peut changer que ce dont on a conscience.
Pour ce faire, voici une méthode
qui peut y contribuer : la méthode CPEAR
(ou CTFAR en anglais). C’est une façon de s’auto-accompagner qui a
été modélisée par la coach américaine Brooke CASTILLO.
Je vous invite à la pratiquer au
calme et par écrit dans un carnet dédié soit au quotidien ou
bien encore quand le besoin s’en fait ressentir. Dans tous les cas, il est important
de s’entraîner à le faire. C’est comme un muscle que l’on souhaite
développer. Et de toute façon, nous avons tous des situations ou des évènements
à travailler !
Allez, trêve de bavardages, on y va !
Principe de la méthode CPEAR en
5 étapes
Préambule
Dans un 1er temps, n’hésitez pas à fermer les yeux et à prendre de profondes inspirations pour mieux se replonger dans la situation vécue auparavant et faciliter ainsi son introspection.
Vous trouverez également ci-après une série de questions pour chaque étape qui peuvent vous aider dans votre démarche.
Etape 1 : C comme CIRCONSTANCES
Dans cette 1ère étape, on identifie les faits importants concrets. 10 personnes différentes pourraient donner la même observation. On n’est pas dans le subjectif ici mais dans le fait neutre et indiscutable.
- De quelle situation parle-t-on ?
- C’est quoi les faits précis, observables et mesurables ?
- C’était où, quand, avec qui, à quelle heure, dans quelles circonstances ?
- Qu’est-ce que j’ai vu, j’ai entendu ?
- Quel comportement ou quelle action j’ai observé(e) ?
Etape 2 : P comme PENSEES
Les pensées renvoient à la façon dont nous donnons un sens aux circonstances. L’idée ici est de déterminer quelle est la petite voix intérieure qui s’est mise en route quand les circonstances se sont produites.
- C’est quoi la phrase qui est passée dans mon esprit ?
- Comment j’ai interprété les faits sur le moment ?
- Qu’est-ce que je me suis raconté à ce moment-là ?
- Qu’est-ce que je me suis mis à croire intérieurement ?
Etape 3 : E comme EMOTIONS
On cherche à savoir ici quels ont été les émotions et les sentiments qui m’ont traversé durant ces circonstances.
- Qu’est-ce que j’ai ressenti ?
- Comment je me suis senti ?
- Quelle a été la plus grosse charge émotionnelle pour moi ?
- Comment je l’ai vécu ?
Etape 4 : A comme ACTIONS
On cherche à comprendre comment je me suis comporté ici.
- Comment j’ai réagi ? action, inaction ?
- Quel a été mon comportement sur le moment ?
- Comment je me tenais, je respirais ?
- Qu’est-ce que j’ai dit ?
- Quel a été mon mécanisme de défense ?
Etape 5 : R comme RESULTATS
Enfin, on regarde le résultat que cela a engendré dans la situation rencontrée, avec l’autre, etc.
- Qu’est-ce que cela a donné comme résultat ?
- Quelle a été la conséquence de mon comportement ?
- Quel a été le plus gros problème pour moi dans cette situation ?
Cette dernière étape est un rappel que nos expériences sont principalement le résultat de nos actions (i.e. notre comportement) qui elles-mêmes sont engendrées par nos pensées et nos émotions.
Les circonstances étant immuables et incontrôlables, il est par contre tout à fait possible de travailler en profondeur ce qui est en notre pouvoir pour changer les résultats c’est-à-dire nos pensées, nos émotions et notre comportement.
Voici des questions qui peuvent y contribuer :
- Qu’est-ce que j’aimerais changer la prochaine fois dans mes pensées, mes émotions ou mon comportement ? à quoi je m’attends ainsi ?
- Dans quel autre contexte j’ai déjà éprouvé la même chose à plusieurs reprises ?
- Qu’est-ce que cela dit de ma façon de voir les choses ?
- Qu’est-ce que j’aurais besoin de changer la prochaine fois ?
- Comment j’aimerais que la situation se passe la prochaine fois ? que dois-je faire pour cela ?
- Sur quoi dois-je travailler pour changer cela ?
- Comment mes pensées influent sur mes émotions et inversement ?
Voici un exemple d’application de la méthode :
Circonstances : dans le feu de l’action d’une négociation en phase de vente pour un nouveau contrat, un contract manager se met d’accord avec le client sur un point important sans avoir eu au préalable l’approbation du management sur le niveau de risque proposé.
Pensées : les pensées suivantes sont générées par cette circonstance : « Qu’est-ce qu’il m’a pris d’accepter ce point sans avoir demandé l’approbation in interne !? » « Qu’est-ce qui va m’arriver quand je vais expliquer tout cela ? » « Je suis vraiment stupide !»
Émotions : j’identifie les émotions et les sentiments que je ressens : "Je suis anxieux que mon management n’accepte pas le niveau de risque agréé", "j’ai peur de me faire engueuler", "je culpabilise maintenant", "je suis nerveux sur ce qu’il va se passer en interne pour moi"
Actions : afin de se décharger du bruit mental autour de cette situation au plus vite, le contract manager en parle à son directeur le soir même avant de prendre l’avion du retour à l’aéroport. Quand il le fait, il n’est pas préparé pour expliquer ce qu’il s’est passé de façon concise, il reste figé dans ses émotions, s’exprime mal, tout cela dans un environnement bruyant.
Résultats : le directeur reçoit l’appel tard dans la soirée. Il ne comprend pas tout ce que le contract manager lui dit, le fait répéter et commence à s’agacer du manque de clarté dans le récit apporté. Résultat : le contract manager perd en crédibilité aux yeux de son directeur qui devient à son tour inquiet et énervé.
Nouvelles pensées : le contract manager explore des nouvelles pensées plus constructives et réalistes qui pourraient lui permettre de mieux gérer ce type de situation. Par exemple : "J'ai encore beaucoup à apprendre dans ma gestion du stress quand je fais une erreur", "Avec le recul, j’ai l’impression qu’il aurait mieux fallu expliquer tout cela à mon retour au bureau en face à face avec mon directeur et en ayant préparé mon discours", "Je peux utiliser cette expérience comme une opportunité d'apprentissage pour négocier différemment à l'avenir".
En utilisant la méthode CPEAR, le contract manager peut prendre conscience de ses pensées, émotions, actions et résultats actuels et identifier les nouvelles pensées qui pourraient lui permettre de mieux gérer la situation la prochaine fois. Cela peut l'aider à revoir sa façon de voir les choses, à adopter des actions plus constructives et à obtenir des résultats plus positifs.
La conscience de soi et de son
fonctionnement est sans nul doute la première
marche à franchir pour progresser sur ses power skills. Se comprendre
soi-même est même un prérequis pour arriver à mieux connaître les autres. Utiliser
cette méthode vous permettra de commencer à y accéder dans les meilleures
conditions. Bonne introspection !
Laurent MASSON
Fondateur de la société Laurent
MASSON D&T
Solutions d’accompagnement en
contract management
Tél. 07 60 54 04 21
Laurent MASSON D&T
accompagne les entreprises dans le pilotage du cycle contractuel de
leurs projets d’affaires et favorise la montée en compétences des équipes
et de leurs managers.
Laurent est un professionnel indépendant qui s’appuie sur une expérience terrain de plus de 20 ans dans la gestion de contrats à forts enjeux en phases d’offre et d’exécution ainsi que dans le management de plusieurs centres de profit. Certifié en contract management, Laurent est également diplômé en coaching professionnel pour la partie power skills.
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Photo de SHVETS production sur www.pexels.com